CHAPITRE 3 :
À DOMICILE OU EN INSTITUT ?
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CHAPITRE 3 :
À DOMICILE OU EN INSTITUT ?
" Et surtout faites comme chez vous ! "
Si les approches non pharmacologiques permettent d’améliorer la qualité de vie des patients c’est parce qu’elles se veulent personnelles et avec le moins de contraintes possibles. L’objectif est de comprendre les besoins du patient et de trouver ce qui lui correspond le mieux, en prenant en compte sa personnalité et ses habitudes. Que ce soit à domicile ou en institut, le malade doit pouvoir se sentir comme chez soi. Alors quelles thérapies sont les plus conseillées ?
Nathalie Boudot - Neuropsychologue à l'hôpital Félix Maréchal (CHR Metz-Thionville)
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Pour Géraldine Azzi, ergothérapeute à l’AFAD de Moselle, la thérapie à domicile est “indispensable, vraiment, si on veut retarder la progression de la maladie mais aussi l'entrée dans une institution. Il faut rester actif au quotidien, en étant acteur de sa vie pour entretenir les fonctions qui marchent encore”. Ce genre d’approche permet de s’adapter au lieu de vie du malade, un endroit qu’il a toujours connu.
Cette spécialiste travaille au sein d’une Équipe Spécialisée Alzheimer qui tente d’augmenter les performances dans les activités quotidiennes du malade, en valorisant les capacités sensorielles, cognitives et motrices. Des objectifs permettant de prévenir les troubles du comportement qui sont, le plus souvent, terriblement handicapants.
Se sentir (chez) soi
“On va le mettre en situation, le guider, l’accompagner et le laisser faire tout seul. C’est un peu ça l’objectif” - Géraldine Azzi, ergothérapeute.
1. La sollicitation :
Le malade, la famille, le médecin traitant, ou encore divers organismes, services gériatriques peuvent solliciter l’intervention d’une équipe spécialisée dans la maladie d’Alzheimer afin d’exercer la thérapie à domicile.
2. La prescription :
Une ordonnance doit être prescrite par le médecin traitant, le gériatre ou le neurologue qui suit la personne malade, afin que l’équipe (ergothérapeute, psychomotricien, assistant de soin en gérontologie, …) puisse intervenir pendant quinze séances. L’équipe peut revenir tous les ans sur simple demande.
3. Le dialogue :
Il s’agit d’une première prise de contact entre la famille et l’ergothérapeute pour discuter des difficultés rencontrées, de la situation du malade, des attentes et des services proposés.
4. L’évaluation :
Grâce à des mises en situation concrètes, l’ergothérapeute va évaluer, à domicile, comment le malade gère la vie quotidienne à travers son autonomie et ses habitudes : quand et comment prépare-t-il le repas ? A-t-il des loisirs ? Demande-t-il de l’aide ? De plus, le spécialiste va étudier son environnement, s’il vit en sécurité, dans l’optique de devoir ré-aménager certaines pièces.
5. Les missions :
L’ergothérapeute définit ensuite les objectifs pour chacune des séances de thérapie. Grâce à l’évaluation, l’ergothérapeute va pouvoir détailler les exercices à réaliser avec le patient afin de l’aider à se créer des routines simples et efficaces.
6. L'Intervention :
L’ergothérapeute peut intervenir ou non en fonction des désirs de la famille, du malade, ou si les actions désirées semblent intéressantes. Grâce à son intervention, le malade va pouvoir intégrer de nouvelles habitudes et se réapproprier son domicile dans des situations courantes de la vie. Le but étant d’utiliser le plus possible les objets liés à l’environnement du malade.
7. Aménagements et exercices :
L’ergothérapeute peut également proposer des aménagements dans la maison afin de simplifier les gestes, notamment pour lui assurer une sécurité optimale et favoriser la communication. Par exemple : un portable simplifié avec une touche SOS ; un aide mémoire automatique notifiant certains rendez-vous ou activités quotidiennes avec une voix familière ; ou encore un photophone qui assimile une photo à chaque numéro important.
Les bienfaits de cette thérapie occupationnelle ont été mis en avant que très récemment notamment, grâce à une étude menée par Clément Pimouguet - chercheur post-doctorant à l'INSERM. À travers le suivi de 421 patients atteints de démence, en conditions de soins réels à leur domicile sur une durée de six mois, les chercheurs ont tiré des conclusions positives.
Les résultats avaient démontré que les troubles du comportement ainsi que la charge de travail des aidants s’en trouvaient diminués. Cependant, même si les performances cognitives des patients restaient stables lors des trois mois post-intervention, l’autonomie, quant à elle, “était significativement réduite”.
“Il faut qu’il y ait une continuité”
Avec seulement quinze séances - soit deux à trois mois de travail, pouvons-nous parler d’une aide sur le long terme ? La thérapie occupationnelle va au-delà, puisque l’ergothérapeute collabore avec des aidants professionnels et la famille “pour qu’il y ait un relai qui puisse se faire, une continuité des activités mises en place pendant les séances”. En informant au mieux l’entourage médical et familial du patient, l’ergothérapeute lui permet de garder ses repères.
“Cela fonctionne beaucoup mieux si les séances sont réalisées en début de maladie”, insiste Géraldine Azzi. De nombreux exemples démontrent parfaitement qu’une routine peut être intégrée à nouveau, si on accompagne la personne jusqu’au bout et qu’on tente des solutions alternatives, pérennes dans le temps.
“Il y avait une dame qui oubliait souvent ses rendez-vous car elle n’arrivait plus à repérer la date. Avec la famille, nous avons mis en place une horloge digitale avec la date actualisée toutes les 24h”. Grâce à cet outil, il a été possible de créer un apprentissage d’une nouvelle habitude : vérifier l’horloge et consulter l’agenda. “Et cela a bien fonctionné. Six à huit mois plus tard, elle l’utilise toujours”, ajoute l’ergothérapeute.
La thérapie à domicile consiste également à comprendre la place que l’aidant occupe. Qu’il soit familial ou professionnel, son attitude conditionne aussi l’évolution de la maladie. “Ce ne sera pas bénéfique pour la personne malade, si les aidants vont trop l’assister ou la surprotéger”. Il y a donc tout un travail de formation nécessaire au bien-être du malade, pour éviter de le stresser et l’encourager à faire les choses par lui-même.
“Quand on a une attitude bienveillante, rassurante, la personne malade est moins stressée et on sait que le stress est un facteur aggravant de cette pathologie” - Géraldine Azzi, ergothérapeute.
Les troubles liés au déclin cognitif
Troubles du langage :
La communication avec l’autre est difficile car le malade ne trouve plus les mots pour dire ce qu'il veut, n'arrive plus à se faire comprendre. De plus, sa propre compréhension écrite et orale devient compliquée. Il va d'abord lui manquer les mots simples puis ceux plus rares ; viendra ensuite de nombreuses dissociations et un appauvrissement du discours.
Troubles de la mémoire :
Le malade oublie ce qu'il vient de lire (mémoire à court terme), oublie des moments récents, de manger, de se laver.
Il ne va plus se souvenir d'événements passés ou de ses rendez-vous planifiés depuis longtemps (mémoire épisodique).
Il ne va plus se souvenir de l’emplacement de certains objets de la vie quotidienne, etc.
Troubles de la gestuelle ou prasiques :
La personne atteinte d'Alzheimer se retrouve en difficulté pour effectuer des gestes du quotidien et ce, malgré le fait que ses fonctions motrices soient intactes. Le patient ne se souviendra plus comment manger, utiliser sa brosse à dent, s'habiller par exemple.
Passez votre souris sur les différents éléments pour en savoir plus sur les troubles liés à la maladie d'Alzheimer.
Troubles de la fonction exécutive :
Ces troubles concernent la vitesse de réaction, l’analyse, la programmation, la planification des tâches de la vie quotidienne. Le malade a donc du mal à prendre des initiativeset subit également des troubles de la mémoire multitâche..
Troubles de la reconnaissance visuelle ou gnosiques :
Le malade ne se rappelle plus, ou moins facilement, des visages rencontrés récemment, et même de son entourage. Il n'arrive plus à identifier les objets de la vie quotidienne.
Troubles du comportement :
D'autres maux peuvent apparaître tels que des troubles affectifs et émotionnels : la dépression, l’anxiété, l’apathie, les désinhibitions verbales ou l’exaltation de l’humeur ; ainsi que des troubles du comportement comme l’agitation, l’agressivité, la désinhibition comportementale ou encore l’instabilité psychomotrice (le patient erre sans but ou fugue).
Un bien-être collectif
Est-il préférable de choisir une thérapie plus individuelle ou collective ? Tout va dépendre de la personnalité du malade. S’il était très sociable, stimulé par des activités et bien entouré, l’accueil de jour ira de soi. S’il était plus individualiste de nature, avait tendance à ne pas aller vers les autres, la thérapie à domicile lui conviendra certainement mieux.
D’autres facteurs entrent en jeu comme le stade de la maladie. Pour l’ergothérapeute, l’approche individuelle et l’approche sociale sont bien différentes mais “se complètent”. Dans les deux cas, les bienfaits apparaissent, surtout si le choix est réfléchi et pensé pour l’épanouissement personnel du malade.
En 2015, l’observatoire de la Fondation Médéric Alzheimer dénombrait 14 700 dispositifs de prise en charge et d’accompagnement en France, dont 10 764 hébergements (EHPAD, USLD, etc). Même s’il semblerait que ce ne soit pas encore suffisant, ces chiffres illustrent un déploiement important d’institutions.
Née de la volonté du PDG du groupe GSF, la fondation GSF Jean Louis Noisiez en est un bon exemple. Ce centre de jour, fut ouvert en 2009 au coeur de la Silicon Valley du sud de la france : Sophia Antipolis. Acteur connu dans le domaine médical, Jean Louis Noisiez a voulu contribuer à l’accompagnement des personnes atteintes d’Alzheimer et maladies apparentées en offrant un accueil, non pas de quantité mais bien de qualité.
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Nathalie Boudot - Neuropsychologue à l'hôpital Félix Maréchal (CHR Metz-Thionville)
La place des aidants
“Il est demandeur, il a envie de faire des choses, mais je ne sais pas quoi lui proposer”, une aidante anonyme.
Quid de l’aidant ? Émotionnellement, psychologiquement et physiquement, le “binôme” du malade est affaibli par la maladie. Il doit gérer quotidiennement des situations délicates, s’occuper de son proche et mettre sa propre existence entre parenthèses. “Parfois je suis plus malade que lui”, affirme douloureusement une aidante. “Je n’ose plus le laisser seul. Dès qu’il se réveille, même en pleine nuit, je me lève avec lui”, explique une autre.
Depuis le plan Alzheimer 2008-2012, la légitimité accrue des approches thérapeutiques et le développement de structures adéquates, ont permi d’offrir un peu de répit, de temps et d’écoute pour les aidants, trop souvent oubliés. Pourtant Serge Colson, directeur de France Alzheimer à Metz, trouve qu’il y a encore des lacunes.
“Vous avez 50% des aidants qui sont encore en activité professionnelle et il n’y a rien actuellement dans le code du travail qui permet à un aidant de pouvoir rester à la maison pour soigner le malade dont il s’occupe, si ce n’est des dispositions purement personnelles”, déclare le directeur de l’association.
En 2016, il y avait environ 2 OOO OOO d’aidants en France.
Qui est malade ?
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Le placement, une fin en soi ?
Malgré ces dispositifs et la réduction de certains symptômes, la maladie poursuit son chemin. Et le placement va s’imposer à l’aidant de plus en plus. Doit-on placer son proche dans un institut pour qu’il y finisse sa vie ? Pas forcément. “Lorsque la famille est bien au fait de ce qui existe comme accompagnement, les malades peuvent rester très longtemps à la maison, voire jusqu’au bout”, explique Géraldine Azzi.
Mais parfois le placement est inévitable. Ce n’est pas pour autant qu’il s’agit d’une étape négative ou d’une fin en soi. “Cela peut se vivre comme un nouveau départ, où les familles peuvent venir voir leur proche avec moins de stress, sachant qu’ils sont accompagnés quotidiennement”, argumente l’ergothérapeute.
Les thérapies non pharmacologiques apportent également du bien-être aux proches ; parce qu’ils rencontrent des personnes dans les mêmes situations, parce qu’ils peuvent prendre du temps pour eux. Que ce soit à domicile ou en institut, le proche reprend sa vie en main tout en donnant de l’autonomie à la personne qu’il aime. Actuellement, des groupes de parole ou autrement appelés “cafés des aidants” se développent un peu partout en France. Le principe ? Amorcer des échanges autour d’un thème, dans le but de se confier sans avoir peur du jugement et se libérer, ainsi, de la souffrance qu’est l’accompagnement d’un proche.
Nathalie Boudot - Neuropsychologue à l'hôpital Félix Maréchal (CHR Metz-Thionville)
Il s’agit de travailler avant tout sur les moments de la vie quotidienne : l’hygiène, le repas, l’habillage, les promenades pour entretenir la mobilité, des activités ludiques avec des jeux de société par exemple, des activités manuelles, de la couture, etc. Pour arriver à stabiliser les capacités du malade, l’ergothérapie doit passer par plusieurs étapes bien distinctes.
Revoir "Les bienfaits des thérapies"
Épilogue
Introduction
Cette maladie complexe
Les bienfaits des thérapies
À domicile ou en institut ?
Épilogue
À propos